La chambre criminelle de la Cour de cassation vient encore de rappeler que la contre expertise en matière de conduite après usage de stupéfiants est de droit. Problème : la mise en œuvre de ce droit est plus compliquée depuis 2016. Les explications de Me Jean-Baptiste le Dall.
Un droit à contre expertise posé par le Code de la route
Les dispositions de l’article R235-11 sont claires : « dans un délai de cinq jours suivant la notification des résultats de l'analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, à condition, dans le premier cas, qu'il se soit réservé la possibilité prévue au deuxième alinéa du I de l'article R. 235-6, le conducteur peut demander au procureur de la République, au juge d'instruction ou à la juridiction de jugement qu'il soit procédé à partir du tube prévu au second alinéa de l'article R. 235-9 à un examen technique ou à une expertise en application des articles 60,77-1 et 156 du code de procédure pénale.
De même, le conducteur peut demander qu'il soit procédé, dans les mêmes délais et conditions, à la recherche de l'usage de médicaments psychoactifs pouvant avoir des effets sur la capacité de conduire le véhicule...»
Un délai de 5 jours pour solliciter cette contre expertise
Avant la modification introduite par le Décret n° 2016-1152 du 24 août 2016 « relatif à la lutte contre la conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants », le Code de la route ne prévoyait aucun délai pour solliciter cette contre-expertise en matière de stupéfiants. Cette demande pouvait, ainsi, être formulée des mois ou même plusieurs années après les faits lorsque, par exemple, l’affaire était examinée par une juridiction d’appel.
Depuis 2016, les règles en matière de conduite après usage de stupéfiants et celles en matière d’alcool au volant ont été harmonisées. Les règles en matière de stupéfiants sont désormais identiques à celle applicables en matière d’alcool, le conducteur dispose, donc, d’un délai de cinq jours à compter de la notification des résultats pour éventuellement solliciter une contre expertise.
L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 21 juin 2021 portait sur des faits relativement anciens puisque antérieurs à la modification apportée par le décret du 24 août 2016. Dans cette espèce le conducteur a sollicité devant la juridiction de jugement la contre expertise.
Cette demande lui a été refusée. C’est ce refus qui a été censuré par la Cour de cassation. À l’époque des faits (le 25 novembre 2014) aucun délai n’était imparti aux conducteurs pour solliciter la seconde mesure de contrôle.
Et pour le conducteur dans cette affaire, la cassation est synonyme de relaxe puisque contrairement à ce qui peut se pratiquer en matière d’alcool au volant, une condamnation pour des faits de conduite après usage de produits stupéfiants implique obligatoirement le recours à une analyse toxicologique.
C’est ce que posait très clairement de la chambre criminelle dans un arrêt de principe en 2012 (Cass. Crim., 15 février 2012 n°11-84607 : «l'usage de stupéfiants, élément constitutif de l'infraction prévue par l'article L. 235-1 du code de la route, ne peut être prouvé que par analyse sanguine»).
Une demande de contre-expertise à anticiper dès le contrôle routier
En termes de restrictions des droits des conducteurs, les modifications apportées par le décret d’août 2016 sont allées bien plus loin que la mise en place d’un délai de cinq jours.
En matière d’alcool (en cas de contrôle non pas par le biais d’un éthylomètre mais par prélèvement et analyse de sang) l’échantillon sanguin sera réparti dans deux flacons. Dans l’hypothèse où le conducteur solliciterait une contre expertise, c’est l’échantillon contenu dans le second flacon qui sera analysé.
Les choses sont désormais bien différentes en matière de stupéfiants au volant. Le décret de 2016 a introduit dans le Code de la route une nouvelle modalité de prélèvement : le prélèvement salivaire qui est désormais utilisé dans la quasi-totalité des procédures.
Une contre expertise ne peut pas, en effet, être effectuée sur l’unique prélèvement salivaire. En effet, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres pays, le dispositif retenu en France ne permet en matière de prélèvement salivaire que le recueil d’un seul échantillon.
Les forces de l’ordre sont donc censées demander aux conducteurs contrôlés s’ils souhaitent se ménager la possibilité de solliciter ultérieurement une contre expertise.
Le conducteur qui souhaiterait se préserver ce droit se verra alors proposer par les agents un prélèvement sanguin.
C’est l’échantillon sanguin qui sera analysé dans le cas où le conducteur solliciterait la contre expertise dans ce délai de cinq jours à compter de la notification des résultats des analyses opérées sur le prélèvement salivaire.
Dans la pratique les forces de l’ordre n’exposent pas aussi explicitement (ou totalement) les choses et se contentent souvent de demander aux conducteurs s’ils souhaitent une analyse de sang qui est présentée la plupart du temps comme extrêmement chronophage… Dans bien des cas, le conducteur est effrayé à la perspective de devoir patienter quelques heures aux urgences dans l’attente d’un prélèvement sanguin et optera pour le seul prélèvement salivaire.
Lors de la consultation du dossier pénal, l’avocat sera donc attentif aux conditions dans lesquelles le prélèvement aura été opéré sur son client et aux explications données à cette occasion.
Oui il faut demander le prélèvement sanguin !
On ne pourra que conseiller aux conducteurs confrontés à un dépistage positif aux stupéfiants lors d’un contrôle routier d’opter pour le prélèvement sanguin. Bien évidemment le contrôle prendra plus longtemps, il ne coûtera néanmoins pas plus cher à l’intéressé mais pourrait surtout lui permettre de sauver son permis de conduire !
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