On vient de fêter dernièrement les 3 ans de la QPC, la QPquoi ? : la Question prioritaire de constitutionnalité qui permet dans le cadre d’une procédure d’aller saisir le Conseil constitutionnel pour que celui-ci vérifie la conformité au bloc de constitutionnalité d’une disposition législative qui ne nous convient que peu.
Et le droit pénal routier regorge de ces dispositions légèrement dérangeantes notamment de par leur caractère automatique peu conciliable notamment avec le principe d’individualisation des peines. L’arrivée de la QPC avait donc entraîné une certaine fébrilité chez les praticiens du contentieux de la circulation routière.
Mais les sages de la rue Montpensier ne s’étaient, finalement, pas montrés des plus favorables aux automobilistes écartant par exemple les problématiques d’annulation automatique du permis de conduire (http://www.maitreledall.com/article-annulation-automatique-du-permis-a-points-pour-alcool-le-cc-dit-oui-58005532.html), en validant le principe de l’amende plancher(http://www.argusdelassurance.com/jurisprudences/jurisprudence-ja/le-mecanisme-de-l-amende-plancher-est-constitutionnel.53312), en éludant le caractère disproportionné de la confiscation des véhicules (Décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010) en passant trop vite sur les difficultés de contestation de l’amende forfaitaire (Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010), ou en nous laissant sur notre faim pour la conduite après usage de stupéfiants (Décision n° 2011-204 QPC du 09 décembre 2011).
La saisine du Conseil constitutionnel n’a donc pas, pour l’instant, bouleversé la matière et les praticiens n’avaient que peu de raisons de se réjouir de cet anniversaire (entrée en vigueur en mars 2010). Et la chambre criminelle leur a donné raison… en ne transmettant pas une question posée par notre confrère Rémy Josseaume (ACDA) sur la Conduite en Etat d’ivresse Manifeste (CEI) dont le législateur n’a jamais pris la peine de définir les contours laissant la porte ouverte à une certaine dérive liée à une tendance à requalification en CEI souvent trop rapide.
Le chambre criminelle n’a pas jugé utile de voir plus loin que le législateur :
« Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux, dès lors que Ies termes de l'article L. 234-1-II du code de la route, qui prévoit et réprime le délit de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, sont suffisamment clairs et précis pour que l'interprétation de ce texte, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. » (Crim, 19 mars 2013, n° 12-90077)
Pour information, les termes de l’article L.234-1 II du Code de la route sont effectivement des plus explicites, le lecteur appréciera : « II.-Le fait de conduire un véhicule en état d'ivresse manifeste est puni des mêmes peines » (Ndla que celles prévues pour la conduite sous l’empire d’un état alcoolique).
Nous n’aurons donc pas plus de précision sur ce que recouvre exactement l’ivresse manifeste, nous pourrons, bien évidement, nous appuyer sur la jurisprudence d’appel mais celle-ci ne suffit parfois à éviter une requalification hasardeuse.
Jean-Baptiste le Dall
Avocat à la Cour, Docteur en Droit
Droit automobile – Permis de conduire
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