Contrairement à ce que juge la Cour européenne des droits de l'homme, la décision de retrait de point n'est pas considérée en France comme une peine. La décision de retrait de point n'est qu'une simple mesure de police administrative. Les automobilistes ne peuvent, donc, pas bénéficier, en la matière, des règles protectrices du droit pénal et notamment de la prescription.
L'affaire qui a été traitée récemment par la Commission juridique de 40 millions d'automobilistes est, à ce titre, assez symptomatique.
Un automobiliste qui possédait également le permis poids lourds s'est présenté aux services préfectoraux pour renouveler (comme il doit le faire tous les 5 ans) les catégories lourdes de son permis de conduire.
La Préfecture lui répond, alors, qu'elle ne peut pas faire droit à sa demande, son permis de conduire étant invalidé depuis 1997 ! L'automobiliste est totalement surpris par cette annonce. Il était, au contraire, persuadé d'avoir un permis valide doté de 12 points puisqu'il n'avait pas commis d'infraction depuis 2005...
Chauffeur routier pendant plusieurs années, il a fait l'objet de nombreux contrôles de routine. Jamais on ne lui a dit que son permis avait été invalidé. De même, le renouvellement par la préfecture de ses catégories lourdes (encore en 2004) n'a posé aucun problème. Cet automobiliste s'est ainsi retrouvé privé de permis pour une invalidation jamais notifiée remontant à plus de 12 ans...
Le retard dans la notification n'est pas sans poser problème.
Problème vis à vis de l'automobiliste tout d'abord, sa situation professionnelle a bien évidemment évolué entre 1997 et 2009. En 1997, la privation de son permis n'aurait pas eu, en pratique, de conséquences sur son activité, mais 12 ans après la privation du permis aurait pu très certainement conduire à un licenciement...
Problème juridique également :
La CEDH considère, depuis son arrêt MALIGE du 23 septembre 1998, que la mesure de retrait de point est une peine accessoire :
« La Cour relève que le retrait de points peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or il est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande utilité pour la vie courante et l'exercice d'une activité professionnelle. La Cour, avec la Commission, en déduit que si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt également un caractère punitif et dissuasif et s'apparente donc à une peine accessoire. La volonté du législateur de dissocier la sanction de retrait de points des autres peines prononcées par le juge pénal ne saurait en changer la nature. »
En droit français la mesure de retrait demeure, pourtant, encore aujourd'hui une simple mesure de police administrative pour laquelle ne joue aucune règle de prescription.
En matière de prescription deux mécanismes doivent être distingués :
la prescription de l'action publique
Après un certain délai les infractions ne peuvent plus faire l'objet de poursuites : par exemple plus de poursuites 3 ans après un délit ou 1 an après une contravention (attention beaucoup d'automobilistes pensent à tort, notamment en matière de contravention, que la prescription est acquise du fait de l'écoulement d'un délai d'1 an sans nouvelle depuis l'infraction, mais des actes peuvent avoir été pris entre temps à commencer par une citation..)
C'est le second mécanisme qui nous intéresse aujourd'hui.
la prescription de la peine
Après un certain délai, une peine ne peut plus être exécutée.
Les peines prononcées pour un crime se prescrivent en 20 ans (article 133-2 du code pénal - sauf exceptions), pour un délit en 5 ans (article 133-3 du code pénal), pour une contravention en 3 ans (article 133-4 du code pénal)
Sur les fondements juridiques de la prescription pénale, voir, par exemple, H. Donnedieu de vabres « Traité de droit criminel » (Sirey, Paris 1947, 3e éd.)
« 1° Lorsqu’un certain temps s’est écoulé depuis la condamnation, sans le que le ministère public ait fait exécuter la peine, le souvenir de l’infraction s’est éteint. L’opinion publique ne réclame plus satisfaction ;
2° Généralement, une sanction si éloignée de la faute serait peu conforme aux exigences de la justice. Le condamné, pour se soustraire au châtiment a dû mener une vie errante, de privations et d’angoisses, qui constitue, par elle-même, une expiation. Lui infliger, plus tard, une peine, ce serait le punir deux fois;
3°La société encourage la bonne conduite du condamné en lui offrant la perspective de l’impunité si, pendant un certain temps, il s’abstient d’attirer l’attention publique sur sa personne. La prescription de la peine un moyen précieux de politique criminelle.
A vrai dire, aucune de ces raisons ne paraît, à la réflexion, décisive. On a objecté, du point de vue des principes, que la prescription renferme une atteinte au respect de la chose jugée. Au point de vue pratique, la prescription donne une prime aux plus habiles, donc aux plus dangereux. Quant à l’argument qui attribue aux fugitifs des remords susceptibles de constituer une expiation, il méconnaît la mentalité véritable. des malfaiteurs de profession. »
En pratique, l'exécution d'une peine de nombreuses années après les faits n'a plus de sens.
Et c'est, notamment, le cas pour notre automobiliste. L'invalidation d'un permis de conduire poursuit, on l'aura compris, un objectif de sécurité routière. Or le comportement de cet automobiliste a objectivement changé, puisque de 1996 à 2010 il n'a commis que deux infractions (petit excès de vitesse et usage du téléphone portable au volant) alors même que du fait de sa profession il a parcouru des centaines de milliers de kilomètres...
L'exécution d'une décision d'invalidation 12 ans après les faits ayant conduit à cette mesure n'a plus aucun sens puisqu'elle sanctionne un automobiliste devenu depuis longtemps très respectueux des règles de sécurité routière.
Mais, comme le lecteur l'aura compris, les mesures de retrait de points ne sont pas considérées en France comme des peines et ne bénéficient d'aucune prescription.
Le Figaro
Son retrait de permis lui est signifié au bout de douze ans, Angélique Negroni, Edition du 17 mars 2010
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/03/17/01016-20100317ARTFIG00429-son-retrait-de-permis-lui-est-signifie-au-bout-de-douze-ans-.php
Jean-Baptiste le Dall,
Avocat à la Cour – Docteur en droit
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