Le Conseil d'Etat vient de rejetter la demande de suspension de l'interdiction des avertisseurs de radars mise en place par le décret du 3 janvier, les précisions de Maître Jean-Baptiste le Dall de l'Automobile Club des Avocats
L'interdiction des avertisseurs radars avait été annoncée il y a de longs mois au lendemain du comité interministériel pour la sécurité routière du 11 mai dernier. Les fabricants d'avertisseurs de radars n'étaient d'ailleurs pas restés inactifs. Après s'être regroupés au sein de l'AFFTAC, les fabricants étaient parvenus à un accord avec le Ministère de l'Intérieur. Avec cet accord signé le 28 juillet 2011 les avertisseurs de radars allaient se transformer en avertisseurs de zones dangereuses.
L'activité de ces fabricants était sauvée, même si la précision et l'efficacité de ces nouveaux avertisseurs de zones dangereuses n'auront plus grand chose à voir avec celles offertes par feu les avertisseurs radars. En cause l'étendue de la zone signalée et le risque de multiplication de ces zones dont la liste devrait être établie par les fabricants - via notamment les remontées d'information par les utilisateurs - mais également par les préfectures. Certaines fuites dans la presse avaient laissé entendre qu'un ratio de un à dix entre les zones signalées dangereuses et les emplacements sur lesquels opérerait un radar pourrait, à terme, être atteint. De quoi amener de nombreux automobilistes à se poser la question de l'opportunité d'investir dans un avertisseur nouvelle génération et ce d'autant plus que certains appareils fonctionnent sur le principe d'un abonnement.
Ce risque de désaffection n'a pas échappé à certains fabricants dont Navx qui a décidé de combattre l'interdiction finalement mise en place par le décret du 3 janvier 2012 devant les tribunaux.
Une procédure de référé suspension a, ainsi, été engagée le 10 janvier devant le Conseil d'Etat. Le principe du référé suspension tient dans son nom, c'est-à-dire la suspension de cette interdiction le temps que l'affaire soit examinée au fond.
Dans le cadre de cette procédure de référé, les conseils de Navx ont, notamment, dénoncé une atteinte à la libre circulation entre citoyens d'informations et la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Mais les arguments de fond, par définition, ne suffisent pas dans le cadre d'un référé. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a du, également, examiner une condition d'urgence.
Cette urgence, la société Navx pensait pouvoir la prouver en faisant état d'une situation financière des plus difficiles avec l'interdiction des avertisseurs de radars. Le président de ce fabricant l'a expliqué ainsi : « Nous sommes déficitaires depuis janvier ».
Cet argument n'a pas été retenu par le Conseil d'Etat pour qui «la condition d'urgence ne peut être remplie» la mesure d'interdiction ayant été annoncée «à la mi-2011», la société Navx aurait pu «durant les mois de préparation de la mesure (...) revoir son offre pour s'adapter au nouveau contexte »
Ceux qui espéraient une censure rapide du décret du 3 janvier devront, donc, encore attendre ou plutôt espérer encore plus fort. La réponse négative du Conseil d’État ne met pas fin à la procédure engagée au fond qui pourrait, en théorie, être tranchée différemment. Mais une hypothétique victoire de la société Navx ne pourrait, de toute façon, pas intervenir avant de longs mois.
Si la période de tolérance pédagogique annoncée par Claude Guéant ne perdure pas, d'autres juridictions auront sans doute l'occasion de se pencher sur les avertisseurs de radars avant que le Conseil d'Etat ne tranche au fond.
L'application sur le terrain de l'interdiction de ces appareils risque, en effet, de poser quelques difficultés au regard notamment de la fouille des véhicules. Cette fouille est strictement encadrée par le Code de procédure pénale qui la réserve pour des risques d'atteinte grave à la sécurité des personnes, pour des cas de flagrant délit ou, sur réquisition du procureur, pour des opérations en matière de trafic d'armes, d'actes de terrorisme... Rien ne permettant, a priori, à la simple vue d'un téléphone portable ou d'un GPS de soupçonner la présence d'un avertisseur de radars, il y a fort à parier que les juridictions pénales auront à connaître de nombreuses contestations fondées notamment sur une irrégularité de la fouille.
En attendant, Navx qui commercialise toujours ses produits a quand même ajouté sur son site Internet une mise en garde faisant mention des dispositions de l'article R.413-15 du Code de la route qui prévoit pour les possesseurs d'avertisseurs de radars : amende de 1500 euros, suspension de permis de conduire, retrait de 6 points du permis de conduire...