La rareté aiguise malheureusement parfois les intérêts les plus vils. C’est le cas notamment avec les cartes de stationnement handicapé. L'Association des paralysés de France (APF) avance sur son site qu'une carte sur trois serait fausse ou utilisée frauduleusement.
Pour se procurer indûment cette carte certains se limiteront à « faire jouer les relations » en s’appropriant la carte de la grand tante, d’autres joueront du photocopieur ou du logiciel de retouche photo, quand les moins farouches iront carrément se servir dans le véhicule d’un titulaire.
Pour cette raison, certains automobilistes handicapés préfèrent, parfois, éviter d’exposer leurs si désirées « cartes européennes de stationnement ».
Parfois, l’agent verbalisateur est tout simplement un peu trop prompt à dégainer le carnet à souches ou le terrible PDA à PV électronique et verbalise alors que la carte ad hoc est bien là.
A la clé : la verbalisation prévue à l’article R417-11 du Code de la route
« Est également considéré comme gênant tout arrêt ou stationnement :
3° D'un véhicule sur les emplacements réservés aux véhicules portant une carte de stationnement de modèle communautaire pour personne handicapée, ou un macaron grand invalide de guerre (GIG) ou grand invalide civil (GIC).
II.-Tout arrêt ou stationnement gênant prévu par le présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
Le défaut d’apposition de la carte de stationnement handicapé entraînera-t-il verbalisation ? Peut-on contester la verbalisation en rapportant la preuve de l’attribution d’une telle carte ?
La question mérite, bien évidemment, d’être posée et ce d’autant plus qu’en matière de stationnement la jurisprudence avait déjà eu à connaître des cas de verbalisations pour non affichage du ticket horodateur. Nous avions pu, ainsi, avec les confères de l’équipe de l’automobile club des avocats faire valoir avec succès devant de nombreuses juridictions que l’absence d’arrêté prévoyant l’obligation d’afficher son ticket horodateur la procédure devait être annulée, ni le code de la route, ni le code pénal ne prévoyant, par exemple, une telle infraction. (Sur cette jurisprudence, voir, par exemple, et parce que cela commence à dater un article du Républicain lorrain de 2008 : http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/55/41/23/R-publicain-lorrain-d-cembre-2008-pv-horodateurs.pdf)
Le parallèle pourrait-il être fait avec la verbalisation pour stationnement sur place handicapée sans apposition de la carte ad hoc.
C’est, en tout cas, à cette épineuse question que la chambre criminelle de la Cour de cassation a dû répondre le 3 juin 2014 :
« Vu les articles L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles et R. 417-11 du code de la route ;
Attendu que, selon ces textes, l'arrêt ou le stationnement, sur les emplacements aménagés pour les véhicules utilisés par les personnes handicapées, sont réservés au titulaire de la carte de stationnement pour personne handicapée ainsi que, le cas échéant, à la tierce personne l'accompagnant ;
Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que, le 12 mai 2012, M. X... a été verbalisé pour avoir laissé son véhicule en stationnement sur un emplacement réservé aux véhicules utilisés par les personnes handicapées ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, le jugement relève notamment que, s'il n'est pas contesté que M. X... est bien titulaire de la carte de stationnement réservée aux personnes handicapées, l'agent verbalisateur n'a cependant pas pu lire les mentions figurant sur cette carte, qui n'était pas apposée en évidence à I'intérieur et derrière le pare-brise du véhicule utilisé pour le transport de l'intéressé ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il résulte que M. X... était bien titulaire, à la date des faits, du titre l'autorisant à laisser son véhicule en stationnement sur un emplacement réservé aux personnes handicapées, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé de la juridiction de proximité d'Avignon, en date du 3 avril 2013 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ; »
L’arrêt rendu par la Cour de cassation est clair, net et sans bavure, ce qui devrait en tout logique conduire à sa large production auprès des OMP (Officier du ministère public) en charge du traitement des contestations opérées par les automobilistes.
Car l’intérêt majeur de cet arrêt réside, en effet, dans sa limpidité qui devrait permettre aux automobilistes d’obtenir gain de cause dès le stade de la contestation.
Les contrevenants noteront, donc, avec attention les références de l’arrêt : Crim. 3 juin 2014, n° de pourvoi 13-85530. La copie de cet arrêt pourra, ainsi, être annexée au courrier de contestation qui rappelons le, au passage, devra être envoyé en courrier recommandé avec avis de réception dans le délai de 45 jours accompagné de l’original de l’avis de contravention et bien sûr dans le cas qui nous occupe des documents relatifs à l’attribution de la carte handicapée….
Jean-Baptiste le Dall
Avocat à la Cour, Docteur en Droit
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