Publication Lamy Axe droit - décembre 2011
Procédure Pénale - Permis de conduire - Appel - Juridiction de Proximité - Infractions au Code de la route
N'est compétente pour juger irrecevable l'appel d'un jugement rendu par un juridiction de proximité condamnant l'automobiliste à une amende de moins de 150 euros que la formation de jugement de la Cour d'appel
Si la plupart des automobilistes garderont un souvenir douloureux de leurs expériences judiciaires, les praticiens trouvent parfois la jubilation dans l'exploitation d'une obscure disposition réglementaire qui pourra peut être sauver leurs clients. Ainsi le temps fort de l'audience correctionnelle ou de police ne sera, malgré la qualité de l'échange, pas forcément vécu de la même façon par le prévenu et son conseil. Et ce dernier pourrait dans, certains cas, vouloir faire durer ce plaisir.
Rassurons, immédiatement, le lecteur en lui précisant qu'il n'y a aucun penchant non avouable dans cette inclination à la poursuite de la perte de temps, surtout si ce conseil pratique l'honoraire forfaitaire.
Il ne s'agit pas non plus d'une vaine obstination dans le fol espoir d'un salvateur revirement de jurisprudence.
Non le goût pour la procédure ne tient, en réalité, qu'à une simple histoire de calendrier. Même si les prémices des froideurs de l'hiver pourraient le laisser penser, nous ne vous parlerons pas du calendrier de l'avent mais de celui moins charmant du FNPC, le Fichier National des Permis de Conduire.
C'est ce calendrier qui rythme la vie de l'automobiliste : date de récupération du point perdu au bout de six mois sans retrait de point (depuis la loi loppsi 2 publiée au JO le 15 mars 2011), date de récupération de l'ensemble des points perdus au bout de trois ans sans retrait de points, date de stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Et c'est en étudiant ce calendrier que le praticien pourra éventuellement établir une stratégie visant à permettre à l'automobiliste de glaner quelques points. Au terme de cette étude, il pourrait être nécessaire de repousser l'échéance. Car derrière la sévère et implacable parole du juge se profile la perspective d'une condamnation définitive signe d'une décision de retrait de point, peut être, annonciatrice d'une invalidation de permis de conduire.
Repousser l'échéance passe, souvent, par l'exercice des voies de recours : opposition, refus dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, appel, pourvoi...
Les possibilités de faire durer le plaisir sont nombreuses.
Et l'épaisseur du Code de procédure pénale pourrait faire dire à certains que le plaisir n'a de limite que l'imagination du conseil. Mais cela serait mettre de côté le bon plaisir du juge qui pourrait choisir d'y mettre prématurément un terme.
Car il ne faut pas s'y tromper le Code de procédure pénal réserve quelques chausse-trappes aux conseils tentés par l'hédonisme judiciaire à commencer par les dispositions de l'article 546 du Code de procédure pénale
L'amende peut ainsi tomber comme un couperet, tranchant tout espoir d'appel celui-ci n'étant ouvert qu'en présence d'une condamnation supérieure à 150 euros.
L'automobiliste pourra trouver un échappatoire dans la contestation de l'amende forfaitaire majorée, puisqu'en cas de condamnation le juge sera contraint de condamner l'automobiliste à au moins le montant de cette amende forfaitaire majorée (en pratique 375 euros pour une contravention de 4ème classe soit pour la grande majorité des infractions au Code de la route).
Ce sévère mécanisme de l' «amende plancher » a fièrement résisté aux coups de butoirs de nos confères Teissedre et Josseaume qui, malgré la triple hermine, ont du courber l'échine devant les sages de la rue Montpensier qui le 16 septembre dernier ont déclaré conforme à la Constitution cette disposition. (« Le juge automate »,R. Josseaume et JC Teissedre, Gaz. Pal. REF ?, ou JB le Dall, JA n°836 janvier 2012) Si le triste sort de cette QPC ne manquera pas de peiner le défenseur de l'automobiliste devant l'éternel, elle réjouira le procédurier qui se cache souvent derrière le praticien du droit routier. En contestant une amende forfaitaire majorée, un automobiliste se réserve bien souvent la possibilité d'interjeter appel d'une décision rendue en première instance. Et c'est ainsi que la Constitution se retrouve à protéger les intérêts de l'hédonisme judiciaire.
Mais la Constitution n'est parfois d'aucun recours contre une infraction de basse classe.
Les règles de bienséance n'apportant aucune précision quant à l'indécence de certaines infractions comme la circulation sur bande d'arrêt d'urgence, l'absence de clignotants, ou encore l'usage du téléphone portable au volant, le Code de la route ne leur a réservé que la deuxième classe limitant par là même la condamnation à une amende maximale de 150 euros.
La perspective de l'appel peut ainsi facilement s'éloigner en présence de ces trois infractions. Resterait l'hypothèse d'un pourvoi, mais il faut parfois reconnaître que nous sommes bien peu de chose face au poids des mots ou tout du moins de celui des éléments constitutifs de l'infraction gravés dans le marbre de la force probante du procès verbal. Aussi les dorures de la chambre criminelle peuvent disparaître aussi vite qu'un mirage dans l'aridité d'une jurisprudence ingrate et pauvre.
Ne restera alors à l'automobiliste que le fol espoir de l'aveuglement de la juridiction d'appel. Mais quelle que soit la typographie utilisée, il est impossible pour les juges d'appel de ne pas voir ces chiffres 1 5 0. L'appel n'a donc aucune chance de prospérer.
Et c'est ce qu'a récemment, encore, considéré, le président de la chambre des appels correctionnels de Rennes, boutant un pauvre automobiliste en dehors des murs du Parlement de Bretagne par le biais d'une simple ordonnance.
Cet empressement à faire usage des dispositions de l'article 546 du Code de procédure pénale n'a toutefois pas été du goût de la Cour de Cassation.
Dans un arrêt du 11 octobre dernier, la chambre criminelle n'a pas manqué de noter « qu'en prononçant ainsi, alors qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article 546 du code de procédure pénale, la voie de l'appel n'était pas ouverte contre ce jugement, et que la déclaration d'irrecevabilité d'un tel recours n'entre pas dans les prévisions limitatives de l'article 505-1 du même code mais relève de la seule formation de jugement, le président de ladite chambre a excédé les pouvoirs qu'il tient du second de ces textes ; »
A défaut de faire durer le plaisir pour la doctrine, nous ne laisserons pas certains confrères caressant le doux rêve d'un renvoi après cassation mûrir de folles espérances. Car si la chambre criminelle reconnaît que « l'annulation est encourue ; elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; »
Nos rêves les plus fous n'ont peut être pas été exhaussés par la Cour de cassation, après tout elle a rendu sa décision bien avant l'ouverture de la première trappe du calendrier de l'avent. Mais la chambre criminelle nous permettra, peut être, d'éviter certains chausse-trappes en nous réservant la possibilité de faire durer le plaisir d'un appel irrecevable auquel seule une formation de jugement au calendrier encombré pourra mettre fin.
Jean-Baptiste le Dall,
Avocat à la Cour
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