On vous le disait l’abaissement de la limitation de vitesse sur le périphérique ne sert strictement à rien si ce n’est à pénaliser encore plus les conducteurs. La preuve avec l’annonce d’une mesure destinée à vraiment lutter contre la pollution et plus les particules fines : la circulation alternée.
Le ministère de l'Écologie a annoncé mercredi soir qu'il allait instaurer dès 2014 la possibilité de mettre en place une circulation alternée lors de ces pics de pollution aux particules fines et aux oxydes d'azote (NOx). Jusqu’à présent de dispositif n’existait que pour les dépassements en matière d'ozone.
Alors reconnaissons-le immédiatement : la mesure aura un impact positif en matière de pollution, comme ce fut le cas lors de l’application du dispositif en 1997.
Mais en suivant ce raisonnement il n’y a qu’à totalement interdire la circulation de tout véhicule à moteur pour diminuer la pollution… Pollution qui restera, toutefois, bien présente les émissions des véhicules ne représentant qu’une partie des polluants.
Comment peut-on imaginer priver des millions d’automobilistes du droit de conduire un jour sur deux ??? L’expression « je peux pas : j’ai piscine » va tomber en désuétude ! A l’avenir, les chefs d’entreprise auront le plaisir d’entendre des « bonjour Boss, pour le travail aujourd’hui c’est pas possible : j’ai pic de pollution ».
Est-il véritablement raisonnable, alors que l’économie du pays n’est pas au beau fixe, d’ajouter un nouveau boulet à nos entreprises, à nos travailleurs indépendants et à nos salariés qui seront sans doute contraints de poser un jour de congé les jours de circulation alternée ???
Un rapport (mené par INRIX, principal fournisseur mondial de services d’info-trafic et d’aides à la conduite en collaboration avec le Centre of Economics and Business Research) vient justement de mettre en avant ce que nous coutaient, chaque année, nos bouchons. Cette année, un automobiliste aurait ainsi passé en France en moyenne 47 heures dans les embouteillages. Cette perte de temps engendrerait un coût de 5,9 milliards d’euros représentant un coût moyen de 677 € par foyer. Ce montant s’est encore alourdi cette année puisque l’année précédente les chiffres étaient de 5,6 milliards d’euros. Sur ces 5,9 milliards 3,5 milliards d’euros correspondent au temps perdu, 568 millions d’euros au carburant consommé dans ces bouchons, tout ceci générant 1,8 milliard d’euros de répercussion sur les prix…
On l’a vu, par le passé, la circulation alternée est restée au placard avec une seule application en 1997. Mais l’arrivée d’un nouvel outil destiné à lutter contre les particules fines, marque-t-elle peut-être (enfin !) la prise de conscience par le gouvernement de la dangerosité du NOx pourtant épargné (et même favorisé) par un dispositif absurde de bonus-malus…
Pas si sûr, car si l’on avait réellement souhaité mettre en place cette circulation alternée notamment lors des récents pics de pollution il eut suffi de le faire… Car ce dispositif existe déjà avec un arrêté inter-préfectoral en date du 27 octobre 2011, signé par le préfet de Paris (et les préfectures limitrophes) qui prévoit notamment qu’«en cas de risque de dépassement des seuils d'alerte de dioxyde d'azote ou de PM10 (ndla: les fameuses particules fines) pendant deux journées consécutives ou risque de dépassement du troisième seuil d'alerte relatif à l'ozone, la mise en œuvre de la circulation alternée est applicable».
Alors simple effet d’annonce ou réelle volonté de limiter le recours à l’automobile ?
Et pour ceux qui hausseraient les épaules en considérant que cette question ne concerne que les parisiens, je préciserais que justement la principale différence entre l’arrêté du 27 octobre 2011 et le projet annoncé par le ministère de l’Ecologie réside dans le champ d’application de la mesure qui à l’avenir pourra donner des sueurs froides à tous les français !
Jean-Baptiste le Dall
Avocat à la Cour, Docteur en Droit
Droit automobile – Permis de conduire