Le Conseil constitutionnel va devoir se pencher sur la constitutionnalité de l'annulation automatique du permis de conduire.
Cette annulation de plein droit du permis de conduire est prévue dans le cadre de la conduite en état d'alcoolémie (conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou conduite en état d'ivresse manifeste, les deux délits se confondent en matière de récidive) en état de récidive légale (nouvelle infraction dans les 5 ans de la première condamnation définitive).
L'article L234-13 du Code de la route prévoit, en effet, que :
« Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles L. 234-1 et L. 234-8, commise en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code pénal, donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus. »
Cette annulation de plein droit pourrait être déclarée incompatible avec le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. C'est en tout cas, la question que devra trancher le Conseil constitutionnel.
Saisie d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel vient, en effet, de réaffirmer dans une très récente décision du 11 juin 2010 ce principe d'individualisation des peines.
« Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine emportant l'interdiction d'être inscrit sur une liste électorale et l'incapacité d'exercer une fonction publique élective qui en résulte ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; »
Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 M. Stéphane A. et autres
La question qui était soumise au Conseil constitutionnel avait trait à l'interdiction automatique d'inscription des liste électorale qui peut sembler bien éloignée du Code de la route. Mais le principe est le même.
La question de la constitutionnalité de l'annulation de plein droit du permis de conduire a logiquement été soulevée à plusieurs reprises par quelques avocats spécialisés en droit automobile et ce devant différentes juridictions.
Le 15 juin 2010, le Tribunal correctionnel de Pontoise a eu, par exemple, à connaître d'une telle demande de Question Prioritaire de Constitutionnalité.
« Le conseil constitutionnel a considéré que les peines automatiques étaient contraires à la Constitution et notamment à la personnalisation des peines. Dans ces conditions, le prévenu, dont le métier nécessite un permis de conduire doit bénéficier de cette jurisprudence qui lui permettrait sous l'appréciation du juge du conserver son permis »
J'avais également mis sur la table cette QPC relative à l'annulation de plein droit devant le Tribunal correctionnel de Paris, qui a cependant légèrement freiné mes ardeurs avec un renvoi à plusieurs mois...
Ce lointain renvoi pourrait sembler mettre à mal la volonté affichée de traitement rapide des QPC.
(Les juridictions suprêmes, Cour de cassation et Conseil d'Etat, ne disposent que d'un délai de trois mois pour examiner la requête et la transmettre, ou non, au Conseil constitutionnel si la QPC est jugée recevable, le Conseil constitutionnel disposant lui aussi d’un délai de trois mois pour se prononcer.)
Ce renvoi lointain me permettra au moins de connaître la position du Conseil constitutionnel, lors de la prochaine audience.
La question de la constitutionnalité de l'annulation de plein droit du permis de conduire vient, en effet, d'être transmise au Conseil constitutionnel, par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juillet 2010.
« Attendu que la question posée tend à faire constater que l'article L 234-13 du Code de la Route est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au principe de l'individualisation des peines découlant de cet article ;
Attendu que la disposition contestée est applicable à la procédure ;
Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu qu'au regard du principe selon lequel doit être établi le caractère strictement et évidemment nécessaire de toute peine, la question posée présente un caractère sérieux en ce qu'elle concerne une peine complémentaire obligatoire d'annulation du permis de conduire que le juge est tenu d'ordonner ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par Thierry X... ; »
Cette QPC avait été posée, à l'origine, devant le Tribunal correctionnel de Toulon le 5 mai dernier.
Réponse donc du Conseil Constitutionnel normalement dans quelques semaines... Affaire à suivre
15/07/2010
Jean-Baptiste le Dall
Avocat à la Cour - Docteur en Droit
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